tribune cosigné par Alain PEREA et 'è Députés

"Cette tribune est inspirée d'un exemple concret, celui de Martine Garofalo, 75 ans, qui nous a donné l'autorisation d'exposer publiquement la situation kafkaïenne dans laquelle elle se trouve. Martine a choisi de rejoindre sa nièce en Guyane, il y a deux ans. Durant son absence, elle a pris le parti de louer sa résidence principale, située à Rochefort-du-Gard, pour notamment 'qu'il y ait quelqu'un dans la maison et que le jardin soit entretenu', en contrepartie d'un loyer modeste. Après plusieurs mois de location sans trop d'encombres, le locataire a mis fin au règlement de ses loyers et à l'entretien de la maison. La vie a imposé à Martine de revenir en métropole et d'entamer les démarches pour mettre fin à son bail qui n'était plus honoré dans le but de récupérer sa résidence principale.
Après des démarches juridiques complexes, constats d'huissier, mains courantes et mutisme de son locataire, les semaines ont passé... Aujourd'hui, Martine se retrouve dans l'impossibilité de récupérer l'intégralité de sa maison, alors même qu'elle se retrouve sans solution d'hébergement alternatif. Nul doute que l'autorité judiciaire se prononcera sur la nécessité d'expulser l'occupant du logement, mais aucune action ne pourra être intentée pendant la trêve hivernale (du 1er novembre au 31 mars), mettant cette citoyenne dans de grandes difficultés. Ainsi, au moment où nous écrivons ces lignes, et sans l'intervention du maire de Rochefort-du-Gard qui a mis à sa disposition un studio, Martine devrait dormir dans sa voiture…
La protection des propriétaires bailleurs faisant face à des locataires 'indélicats' apparaît insuffisante
Par cet exemple, nous ne souhaitons pas opposer les locataires aux propriétaires, ni remettre en cause la trêve hivernale nécessaire pour protéger les personnes vivant dans une grande précarité. Nous souhaitons simplement dénoncer une situation inacceptable qui, finalement, entraîne dans la précarité celui qui n'était pas dans une situation précaire. Nous pensons qu'il est nécessaire de trouver un juste équilibre permettant de garantir au locataire un usage paisible du logement tout en protégeant les intérêts patrimoniaux du propriétaire.
La protection des propriétaires bailleurs faisant face à des locataires 'indélicats' apparaît insuffisante. Ces conflits, aux formes variées, révèlent les difficultés, la fragilité dans lesquels se trouvent des femmes et des hommes, des propriétaires et des locataires acculés dans une spirale sans fin de procédures et d'impasses, qui pourrait, sans solution, donner lieu à des actions individuelles regrettables et repréhensibles.
Sans remettre en cause les droits attachés à la protection du locataire, il est nécessaire de rééquilibrer un cadre juridique protecteur
En ce sens, il est aujourd'hui nécessaire d'amorcer une réflexion sur des dispositifs permettant à la justice d'apporter une réponse commune aux situations difficiles que peuvent vivre à la fois les locataires et les propriétaires pendant cette trêve hivernale. Cette réflexion doit permettre d'ouvrir le débat afin d'apporter une réponse concrète à cette situation. Il pourrait être envisagé plusieurs solutions :
La possibilité pour le juge d'engager l'expulsion du locataire indélicat à la condition qu'une offre d'hébergement d'urgence lui soit proposée pendant toute la durée de la trêve hivernale. Cette possibilité très encadrée serait soumise à une double condition : le caractère modeste du propriétaire et le fait que celui-ci ne dispose d'aucune autre solution d'hébergement ;
En cas d'impossibilité de trouver un logement, la possibilité pour le juge d'ordonner à l'Etat de prendre à sa charge une partie des frais de relogement du propriétaire modeste et sans solution d'hébergement pendant la durée de la trêve hivernale ;
La mise en place d'une assurance obligatoire des loyers impayés pour les propriétaires modestes.
Afin de compléter ces premières pistes de réflexion, il pourrait être intéressant de demander à la Commission nationale de concertation en matière locative (CNC), organisme indépendant représentant les bailleurs et les locataires, d'engager une réflexion et de faire des propositions sur cette question. Sans remettre en cause les droits attachés à la protection du locataire, il est nécessaire de rééquilibrer un cadre juridique protecteur pour éviter qu'un ménage, locataire ou propriétaire, ne se retrouve à la rue pendant la trêve hivernale.
Elus de la République, cet exemple issu de nos territoires nous oblige à prendre en considération cette réalité pour éviter de laisser des locataires et des propriétaires à la rue!"